L'économie en questions
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Dernière édition par Admin le Lun 13 Nov 2023 - 10:42, édité 1 fois
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Lun 13 Nov 2023 - 10:07
Michel, chercheur, Paris :

Un développement durable est-il envisageable sans croissance ?

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Lun 13 Nov 2023 - 10:07
Michel, chercheur, Paris :

Vous avez cité "Why Nations Fail". Ne pensez-vous pas qu'Acemoglu et Robinson sous-estiment l'importance des territoires face aux institutions ? Est-ce que des régimes autoritaires (sans forcément de rationalité de groupe) ne peuvent pas favoriser la performance économique ?

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Catherine CL
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Posez toutes vos questions dans ce forum !  Empty l'economie et le politique

Lun 13 Nov 2023 - 20:38
Vous proposez toute une série d’indicateurs (PIB, PIB/hab, IDH, IPV et indice de GINI) : Est-ce ici notamment que l’économie doit permettre un vrai accompagnement ? En proposant une multiplicité d’outils statistiques pour permettre la réflexion ?

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Catherine CL
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Lun 13 Nov 2023 - 20:44
Dans la recommandation du chapitre 4, quand vous dites la « démocratie tranchera », que voulez-vous dire ? Que le politique a toujours le dernier mot ?

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Catherine CL
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Lun 13 Nov 2023 - 20:45
Vous écrivez pour conclure le chapitre 6 « il faut intervenir pour corriger les défaillances des MPP par des politiques adaptées, macro ou microéconomiques, mais pas plus »…Que voulez-vous dire par ce « pas plus » ? Qu’est-ce qui « serait plus » et donc sans doute « trop » ?

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Catherine CL
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Lun 13 Nov 2023 - 20:46
Concernant les recommandations sur les défaillances de marché (chapitre 6), vous dites « qu’il faudrait (re)lire les « sophismes » de Bastiat » : Pouvez-vous nous en donner un exemple ?

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Catherine CL
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Posez toutes vos questions dans ce forum !  Empty Re: Posez toutes vos questions dans ce forum !

Lun 13 Nov 2023 - 20:47
Dans le chapitre 6, vous précisez l’importance pour le politique d’intervenir pour limiter les défaillances des marchés dans « le monde réel ». On pense évidemment aux grandes crises du XXe et XXIe siècle, pouvez-vous nous donner d’autres exemples concrets d’interventions du politique ?

 

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Catherine CL
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Lun 13 Nov 2023 - 20:47
Les interventions doivent notamment permettre de « contrarier les pollutions et corriger les inégalités ». Est-ce que ces interventions doivent être redéfinies à l’heure où le dérèglement climatique bouscule la question du temps long et va renforcer la vulnérabilité des plus pauvres ? Est-ce que l’échelle étatique est d’ailleurs toujours pertinente pour réguler les défaillances dans notre monde globalisé ?

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Bensasson Bruno
Bensasson Bruno
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Posez toutes vos questions dans ce forum !  Empty Développement durable et croissance

Mar 14 Nov 2023 - 10:47
Admin a écrit:Michel, chercheur, Paris :

Un développement durable est-il envisageable sans croissance ?

Vaste et importante question ! On reviendra de façon approfondie sur la question des rapports entre l'écologie et l'économie au chapitre 23. Pour y voir plus clair, je vous invite à le lire sans plus tarder si ce n'est pas déjà fait.

Répondre à la question de Michel va requérir quelques développements. Je commence par poser les termes de la question tels que je les comprends. Le « développement durable » a été défini pour la première fois en 1987 dans un rapport de l’ONU, dit rapport Brundtland, comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». La « croissance » dont parle Michel est certainement la croissance économique au sens usuel du terme, celle du PIB, le produit intérieur brut, qu’on a commencé à définir au chapitre 3 du livre. On reviendra sur sa croissance au chapitre 16 et sur les chocs d'offre et de demande qui peuvent l'affecter aux chapitres 17 et 18, objet de la 6e conférence, celle de mars.

Il est clair que le PIB est un indicateur parmi d’autres et qui a ses limites, qu’on ne manque pas de souligner tout au long du livre et en particulier aux chapitres 4 et 27. Néanmoins, dans la mesure où le PIB d’un pays reflète d’une certaine façon ce qu’il produit, donc ce qu’il peut dépenser, il y a bien un rapport entre le PIB par habitant, le pouvoir d’achat et ce qu’on appelle communément le « niveau de vie ». On trouve d’ailleurs des sondages internationaux pour suggérer qu’il y a une corrélation entre PIB/habitant et bonheur moyen (et que cette corrélation s’atténue une fois passé un certain niveau de vie). La question posée par Michel revient donc à savoir si on peut répondre aux besoins présents et futurs sans croissance du PIB ?

Si on suit les idées du chapitre 4, selon lequel « la fin précède les moyens », alors la réponse à la question est d’essence philosophique, morale, sociale ou politique plutôt qu’économique. Néanmoins je vais m’aventurer à donner quelques éléments économiques pour nourrir la réflexion.

Premièrement, le PIB est, d’après les données de la Banque mondiale pour 2022, de 20 000$ par habitant et par an, en moyenne mondiale (chiffres tenant compte des différences de coût de la vie, de ce qu’on appelle les taux de change à parité de pouvoir d’achat). Il est de 55 000 en France, de 21 000 en Chine, de 8 000 en Inde, de 6 000 au Nigéria. Dans ces conditions, imagine-t-on que l’absence de croissance puisse satisfaire les Nigérians présents et futurs, sans doute pas. Mais alors peut-on imaginer que les Français soient disposés à revenir au niveau mondial moyen, à diviser leur revenu moyen par 2,5, à le ramener de 2 500 € nets par mois à 1 000 € nets par mois, ce qui est inférieur à ce qu’on qualifie en France de seuil de pauvreté ? Non. La réponse n’est donc pas à chercher dans une simple redistribution.

Deuxièmement, comme la population mondiale est amenée à croître, l’absence de croissance du PIB, la stabilité du PIB sans parler de sa décroissance, signifierait non seulement une stabilité mais une baisse du PIB par habitant, dont on a encore plus de peine à penser qu’elle satisfasse les besoins présents et futurs, en tous cas si on constate l’importance que les Français attachent au maintien et à la hausse de leur pouvoir d’achat. Et on parle là d’un des pays parmi les plus égalitaires et les plus prospères au monde, sans être ni le plus égalitaire ni le plus prospère. Notons au passage que la croissance de la population totale n’empêche pas une baisse de la population active dans la plupart des pays du monde hors l’Inde et une large part des pays d’Afrique (à commencer par le Nigéria), baisse de la population active qui a déjà un effet baissier sur la production potentielle, comme on le voit dès le chapitre 7 du livre.

Troisièmement – je m’aventure là sur un terrain qui relève davantage encore de la psychologie et de la sociologie – il est vraisemblable que les gens soient attachés non seulement au niveau absolu de leur pouvoir d’achat mais aussi à sa croissance, à son progrès relatif au cours du temps. On peut penser qu’ils sont attachés à vivre mieux que ne vivaient leurs parents et qu’ils sont attachés à ce que leurs enfants puissent vivre mieux qu’eux-mêmes n’auront vécu. C’est peut-être la raison pour laquelle les Chinois semblent aujourd’hui plus optimistes que les Français alors qu’ils ont un niveau de vie moitié moindre. Mais je ne fais que formuler une hypothèse. Et c’est là qu’arrive une autre question : « un développement durable est-il possible ? ». C’est une des neuf questions que je pose dans le chapitre de conclusion du livre. Autrement dit : est-il possible de satisfaire les besoins présents, sans dégrader excessivement l’environnement, en particulier le climat et la biodiversité, et donc compromettre les besoins futurs, de nos enfants et petits-enfants ?

Si je pose la question dans cette conclusion, c’est évidemment que je n’ai pas la réponse mais qu’elle m’intéresse beaucoup. Mon espoir est que la réponse soit positive mais je n’en ai pas la certitude. Cela dépendra en particulier de notre capacité à mettre en œuvre des solutions assez économiques permettant de satisfaire les besoins énergétiques du monde tout en réduisant progressivement mais rapidement nos émissions de gaz à effet de serre. Certaines de ces solutions existent déjà – efficacité énergétique, véhicules électriques, énergies renouvelables et nucléaire. D’autres doivent être inventées, dans nos façons de transformer, transporter et utiliser l’énergie – en particulier capture et stockage du CO2, production d’hydrogène et d’hydrocarbures sans émission de CO2, etc. Le passé a heureusement donné tort à Malthus qui n’imaginait pas au 18e siècle que le progrès technologique permettrait de nourrir toujours plus de personnes sans que la population ne dût être régulée par des famines, épidémies et guerres. En ira-t-il de même pour l’avenir ? La question est ouverte. Cela ne sera certainement pas gratuit, cela requerra certains efforts économiques des générations présentes au bénéfice des générations futures mais l’optimisme reste possible et l’action de tous est nécessaire.


Dernière édition par Bensasson Bruno le Mer 15 Nov 2023 - 10:51, édité 1 fois
Bensasson Bruno
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Posez toutes vos questions dans ce forum !  Empty Les conditions politiques du développement

Mar 14 Nov 2023 - 20:55
Admin a écrit:Michel, chercheur, Paris :

Vous avez cité "Why Nations Fail". Ne pensez-vous pas qu'Acemoglu et Robinson sous-estiment l'importance des territoires face aux institutions ? Est-ce que des régimes autoritaires (sans forcément de rationalité de groupe) ne peuvent pas favoriser la performance économique ?

Il y a là deux questions en une. Elles renvoient à l’une des interrogations que je partage dans le chapitre de conclusion du livre « L’économie n’est pas qu’une affaire d’argent », la première des neufs interrogations, lorsque je me demande ce qui explique la différence qu’on peut observer aujourd’hui entre la Corée du Sud et la Zambie, la première ayant un PIB par habitant 13 fois supérieur à celui de la seconde, quand ces PIB par habitant étaient identiques il y a à peine 50 ans.

Sur le point de savoir si c’est plutôt la géographie ou l’histoire qui détermine le destin économique des nations, la réponse est évidemment : les deux. Montesquieu, immense auteur politique, dans « L’esprit des lois », avait souligné l’importance de la géographie. Le livre « Why nations fail ? » – pourquoi les Nations échouent – suggère que la géographie joue mais que c’est l’histoire qui compte le plus. Du reste, la géographie a elle-même une influence sur l’histoire, en particulier sur la géopolitique (sur les conflits de territoire et les alliances).

Le livre « Why nations fail » débute ainsi avec l’exemple d’une ville située exactement sur la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. A l’évidence, les différences importantes qui existent aujourd’hui entre la partie mexicaine et la partie états-unienne de la ville ne peuvent pas s’expliquer par la géographie, par le territoire. Elles doivent donc s’expliquer par autre chose et les auteurs invoquent l’histoire et la dynamique des institutions politiques, depuis l’époque « colombienne » dans ce cas-là. Ils accumulent pour cela une quantité impressionnante de cas passionnants tirés de tous les continents et toutes les époques, depuis l’apparition de l’agriculture en Mésopotamie. Même si l’accumulation ne vaut pas démonstration, cela m’a paru convaincant.

Moi-même je souligne à plusieurs reprises et notamment au chapitre 27 sur les richesses l’importance du "capital social". Cela ne veut pas dire que le capital naturel n’ait pas de rôle mais il me paraît moins important que le capital social comme je l’indique au chapitre 25 sur les inégalités. On voit en effet qu’avoir un bon capital naturel aide des pays (les Etats-Unis, la Norvège, la France, le Qatar) mais que ce n’est ni suffisant (le Venezuela, la République démocratique du Congo), ni nécessaire (la Corée du Sud, Singapour). J'aurais d'ailleurs pu citer la Corée du Nord au lieu de la Zambie et la réponse aurait été encore plus politique que géographique.

Ce qui nous amène à la deuxième partie de la question de Michel sur les régimes autoritaires et la performance économique. Je serai très prudent sur le sujet qui relève plutôt de la politique ou de l’histoire voire de l’économie historique, toutes disciplines intéressantes mais que je ne maîtrise pas du tout. Ce que les auteurs suggèrent c’est qu’il y a un lien fort entre les institutions politiques et les institutions économiques. Ils distinguent deux types de systèmes, des systèmes extractifs et des systèmes inclusifs. Les deux systèmes ont leurs rationalités et peuvent atteindre leurs finalités mais ces finalités sont différentes, les systèmes extractifs étant conçus pour bénéficier à un (plus) petit nombre de personnes, les systèmes inclusifs reposant sur l'initiative de/ et bénéficiant à/ davantage de personnes. Les auteurs suggèrent que les deux systèmes tendent à perdurer à raison de cercles vicieux/vertueux mais que les nations peuvent tout de même passer d’un type de système à l’autre, que cela dépend de circonstances particulières, contingentes, réunies à des moments de bifurcations historiques.

Au vu de l’histoire, ils estiment que beaucoup de régimes extractifs échouent totalement à atteindre la performance économique (et on peut citer la Corée du Nord s'il faut) mais que certains régimes autoritaires peuvent exploiter efficacement des gisements de croissance un certain temps, ce que fit par exemple l’URSS avec succès dans ses premiers plans quinquennaux, mais que cette exploitation ne dure pas indéfiniment et qu'elle peine à être renouvelée. Il sera intéressant d'observer l'évolution politique et économique de la Chine, de voir si et comment elle parvient à poursuivre la croissance impressionnante du PIB/actif entamée depuis 1976, de voir si elle rejoint la "frontière du développement" ou bien si elle en reste sensiblement éloignée, indépendamment du défi démographique auquel elle devra faire face de toute façon.
Bensasson Bruno
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Posez toutes vos questions dans ce forum !  Empty Indicateurs économiques

Mer 15 Nov 2023 - 5:01
Catherine CL a écrit:Vous proposez toute une série d’indicateurs (PIB, PIB/hab, IDH, IPV et indice de GINI) : Est-ce ici notamment que l’économie doit permettre un vrai accompagnement ? En proposant une multiplicité d’outils statistiques pour permettre la réflexion ?

Proposer des indicateurs accessibles qui aident à simplifier et à comprendre une réalité riche et complexe fait absolument partie, Catherine, de ce que l’économie peut et doit faire. Je pense d’ailleurs qu’il faut éviter d’avoir trop d’indicateurs, dans lesquels on se perdrait, et éviter d'avoir trop peu d’indicateurs, qui agrègeraient des sujets très différents comme le niveau de vie moyen et les inégalités.

Mais la science économique ne doit pas s’arrêter à fournir des indicateurs. Pour être plus utile socialement, elle doit aussi savoir expliquer pourquoi et comment ils évoluent. Idéalement elle doit savoir dire quel sera l’effet de tel outil ou décision (industriel, économique ou politique) sur la trajectoire des différents indicateurs si on veut les faire évoluer, quels moyens employer pour atteindre quelle finalité ou ensemble de finalités.

Il est bon d’avoir autant d’indicateurs que de finalités et on a besoin d’au moins autant d’outils que de finalités.
Bensasson Bruno
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Posez toutes vos questions dans ce forum !  Empty La démocratie tranchera

Mer 15 Nov 2023 - 5:22
Catherine CL a écrit:Dans la recommandation du chapitre 4, quand vous dites la « démocratie tranchera », que voulez-vous dire ? Que le politique a toujours le dernier mot ?

Je veux en effet dire dans ce passage que les agents individuels peuvent avoir des buts variés, selon leurs besoins et leurs valeurs. L’économie n’a pas à juger de ces buts, ce sont des données d’entrée. Mais surtout que les buts collectifs ressortent fatalement et heureusement d’un processus social et politique, sauf dans une dictature dont le but serait le but du dictateur, plus ou moins bienveillant. La science économique peut aider à réfléchir à ces buts collectifs mais elle ne peut pas faire ces choix.

Par exemple, la fonction de bien-être collectif citée en note 104 au chapitre 25, qui est consacré aux inégalités, ne peut pas être déterminée hors du fonctionnement des institutions politiques. Elle est « collectivement subjective ». Elle inclut en particulier un « taux d’aversion aux inégalités », qu’on ne retrouve sans doute explicitement dans aucune discussion politique réelle mais qu’on retrouve de fait implicitement dans beaucoup des débats de société. L’économie peut aider à atteindre la cible souhaitée (combinant ici un certain degré de prospérité moyenne et un certain degré d'égalité), comme je le fais dans ce chapitre 25.

De là à dire que « le politique a toujours le dernier mot », je n’irai pas jusque-là, car les choix politiques s’inscrivent dans un cadre « physique » qui s’impose au politique. La rareté des choses, des ressources naturelles et du temps, s’impose à tous. Comme je le disais lors de la première conférence : "au diner, on mange des patates, pas des billets ; le politique peut imprimer tous les billets de banque qu’il veut, s’il n’y a pas des gens pour produire et vendre des patates, les gens ne mangeront pas à leur faim". Et les patates ne poussent pas à la Banque centrale.

Sans parler des limites politiques à l'action politique quand, en démocratie, on respecte la Constitution et en particulier les libertés individuelles.


Dernière édition par Bensasson Bruno le Mer 15 Nov 2023 - 10:59, édité 1 fois
Bensasson Bruno
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Posez toutes vos questions dans ce forum !  Empty Frédéric Bastiat, député économiste au 19" siècle

Mer 15 Nov 2023 - 6:45
Catherine CL a écrit:Concernant les recommandations sur les défaillances de marché (chapitre 6), vous dites « qu’il faudrait (re)lire les « sophismes » de Bastiat » : Pouvez-vous nous en donner un exemple ?

Frédéric Bastiat est un auteur économiste du 19e  siècle, qui combine un raisonnement économique souvent très intéressant, un engagement politique fort et une qualité littéraire indéniable, maniant l’ironie et poussant souvent les raisonnements jusqu’à l’absurde pour mieux les démonter.

Il fut aussi homme politique et député du département des Landes. Il a en particulier écrit le livre « Les sophismes économiques », dont je vous recommande la lecture. Il a été qualifié par Joseph Schumpeter, très grand économiste du 20e siècle dont j’évoque les travaux décisifs au chapitre 10, qui est consacré à l’innovation, de « plus grand journaliste économique de tous les temps ». Je ne suis pas sûr qu’on fit beaucoup mieux en matière de journalisme économique depuis le jugement de Schumpeter, la barre est haute.

Si je dois retenir un seul exemple, je citerai sans doute le plus célèbre des sophismes, qui n’a rien perdu de son actualité, tant le débat entre protectionnisme et libre échangisme se poursuit au 21e siècle : « La pétition des fabricants de chandelles […] à Messieurs les membres de la Chambre des Députés. » que je vous laisse découvrir sur Wikipédia, ne voulant pas la divulgâcher. Si j’ai le droit à un second exemple, je citerais le sophisme de la vitre brisée, qui a la peau dure puisqu’on entend toujours que les accidents de la route contribueraient à augmenter le PIB ; j’y reviens au chapitre 27 sur la richesse, détruire n’aidant pas à produire s’il est besoin de l'expliquer. Mais tout le livre de Bastiat vaut la lecture, avec un peu de recul quand même, et on le trouve aisément en librairies.


Dernière édition par Bensasson Bruno le Mer 15 Nov 2023 - 11:01, édité 1 fois
Bensasson Bruno
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Posez toutes vos questions dans ce forum !  Empty La diversité des interventions politiques

Mer 15 Nov 2023 - 7:05
Catherine CL a écrit:Dans le chapitre 6, vous précisez l’importance pour le politique d’intervenir pour limiter les défaillances des marchés dans « le monde réel ». On pense évidemment aux grandes crises du XXe et XXIe siècle, pouvez-vous nous donner d’autres exemples concrets d’interventions du politique ? 

Les politiques économiques menées, ou non, après les grandes crises de 1929, de 2009 ou de 2020 sont des réactions de « stabilisation macroéconomique ». Inspirées de la théorie développée par John Keynes après la crise de 1929, elles ont pour but de soutenir l’activité après un choc de demande négatif. D’essence budgétaire ou monétaire, elles pallient la rigidité des taux d’intérêts réels pointée par ce grand économiste du 20e siècle. On a évoqué ces rigidités au chapitre 6 et on y revient au chapitre 18 sur les « chocs de demande ». C’est aux chapitres 19 et 20, qu’on détaille les politiques budgétaires et monétaires, qu’on présente leurs fonctions principales, d’abord en temps ordinaire mais aussi en temps de crise. Si la crise de 2009 a été mieux gérée que celle de 1929, on le doit notamment à ces progrès de la science économique.

Mais on a vu au chapitre 6 qu’il y avait, outre les rigidités ou absences de marchés, trois autres formes de défaillance qui appellent des interventions de l’Etat : les rendements croissants, les externalités et les inégalités. Ces différentes défaillances doivent amener les pouvoirs publics à organiser la production de biens et services publics, objet du chapitre 9 ; à assurer le bon fonctionnement de la concurrence ou des monopoles naturels, objet du chapitre 22 ; à internaliser les externalités positives ou négatives, les pollutions notamment, objet du chapitre 23 ; et à réduire les inégalités primaires et secondaires, objet du chapitre 25. Certaines de ces interventions requiert des ressources (pour payer les gens qui produisent les biens publics fournis "gratuitement" et financer les prestations sociales), donc de la fiscalité, utile mais pas neutre, objet du chapitre 24.

Avec des dépenses publiques s’élevant en France, en régime de croisière et pas seulement pendant les années de crise, à 55% de la production intérieure, les exemples d’interventions publiques ne manquent pas. On en reparlera dès la troisième conférence, le 20 décembre 2023.
Bensasson Bruno
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Posez toutes vos questions dans ce forum !  Empty Echelle géographique d'action politique

Mer 15 Nov 2023 - 8:00
Catherine CL a écrit:Les interventions doivent notamment permettre de « contrarier les pollutions et corriger les inégalités ». Est-ce que ces interventions doivent être redéfinies à l’heure où le dérèglement climatique bouscule la question du temps long et va renforcer la vulnérabilité des plus pauvres ? Est-ce que l’échelle étatique est d’ailleurs toujours pertinente pour réguler les défaillances dans notre monde globalisé ?

La question de l’échelle géographique pertinente est très importante. Mais avant de l’aborder je voudrais éviter d’alimenter le pessimisme ambiant. Oui il y a des pollutions et des inégalités, qui appellent des interventions politiques, mais elles n’étaient pas nécessairement moindres avant ; elles étaient, pour beaucoup, plus sévères aux siècles passés.

Dans les villes modernes en particulier, la qualité de l’eau, de l’air et la gestion des déchets ont fait des progrès considérables en 200 ans, qui ont notamment contribué à l’amélioration spectaculaire de l’hygiène et de l’espérance de vie. Les inégalités ont également chuté drastiquement, entre pays et à l’intérieur des pays depuis le début du 20e siècle. Sur ces sujets, on pourra lire notamment « La grande évasion » du grand économiste contemporain Angus Deaton et « C’était mieux avant » du formidable philosophe Michel Serres, titre passablement ironique en l’occurrence. On trouvera également des données utiles dans « Une brève histoire de l’égalité » du plus controversé Thomas Piketty et encore plus de données sur la base mondiale sur les inégalités (www.wid.world), très riche et ergonomique.

Reste qu’aujourd’hui, il y a une pression anthropique croissante dans deux domaines écologiques particuliers : le dérèglement climatique et la crise de la biodiversité. Le chapitre 23 est consacré à l’internalisation des externalités, y compris des pollutions. J’en appelle dans les recommandations finales à une action « en subsidiarité ». Ce principe, présent notamment dans les textes fondateurs de l’Union européenne, préconise d’une certaine façon de prendre les décisions "aussi haut que nécessaire pour embrasser la géographie de l’enjeu public considéré, mais aussi bas que possible pour améliorer la pertinence et la légitimité de la décision publique".

Si je prends l’exemple du climat, la physique des masses d’air fait que le climat est un enjeu public d’essence mondiale et intergénérationnelle, les émissions de gaz à effet de serre des uns influençant le climat de tous les autres. Dans un tel cas, l’internalisation des externalités doit se faire au niveau mondial au risque sinon que certains « ne jouent pas le jeu », qu’ils se comportent comme des « passagers clandestins » ruinant la coopération et les efforts des autres ; c’est l’objet des Conférences des parties (COP) organisées par l’ONU. C’est aussi à ce niveau que doit être discuté l’aide internationale aux pays les moins avancés, qui peuvent être aussi les plus affectés par le dérèglement climatique.

Etant entendu que si la définition des objectifs doit être globale, leur déclinaison a des raisons d’être bien plus locale, à l’échelle des continents ou pays (marchés de quotas carbone, système électrique) voire des collectivités territoriales (infrastructures de transports publics et privés) et même des ménages (sobriété énergétique). Au passage, il serait peu cohérent pour les pays consommateurs de demander aux pays producteurs d’arrêter brusquement leur production de pétrole alors qu’ils resteraient très sensibles à la disponibilité et au prix de l’essence en station-service. La transition énergétique doit être rapide mais progressive et l’innovation doit permettre de la mener au meilleur coût, avec un mix d’énergies et de solutions diversifiées.

Si je prends un autre exemple, celui de la gestion de l’eau, le bassin versant, concept que les géographes connaissent bien, est sans doute le bon niveau de gestion politique locale. C’est en effet dans ce bassin que l’eau s’écoule naturellement et c’est là que tous les enjeux doivent être conciliés en présence de toutes les parties prenantes : eau potable, besoins agricoles notamment d'irrigation, productions électriques et plus largement industrielles, activités de loisir, protection des milieux et de la biodiversité.
Bensasson Bruno
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Posez toutes vos questions dans ce forum !  Empty Ni trop, ni trop peu d'Etat

Mer 15 Nov 2023 - 10:46
Catherine CL a écrit:Vous écrivez pour conclure le chapitre 6 « il faut intervenir pour corriger les défaillances des MPP par des politiques adaptées, macro ou microéconomiques, mais pas plus »…Que voulez-vous dire par ce « pas plus » ? Qu’est-ce qui « serait plus » et donc sans doute « trop » ?

Je veux dire que, quelles que soient les finalités poursuivies, il y aura des choses qui seront mieux faites de façon décentralisée par les agents individuels (individus et entreprises) interagissant sur des marchés et d’autres choses qui seront mieux faites de façon centralisée par des pouvoirs publics (à différents niveaux géographiques selon le sujet considéré, depuis l’Organisation des nations unies jusqu’à la commune). Si les uns font ce que feraient mieux les autres, cela marche moins bien.

Parmi les choses qui pourront être mieux faites ou seulement faites par les pouvoirs publics, il y a l’organisation de la production des biens et services publics par nature, qu’on abordera dès le chapitre 9, et la correction de toutes les autres défaillances de marché (inégalité, concurrence, pollutions) qu’on a commencé d’introduire au chapitre 6. On développera les façons de pallier ces défaillances dans les chapitres 19 à 21 sur les politiques macroéconomiques (budgétaire, monétaire et commerciale) et aux chapitres 22 à 24 sur les outils microéconomiques (concurrence, pollutions, fiscalité).

Lorsque les pouvoirs publics vont au-delà de ce cadre, cela peut encore bien se passer si on les suppose parfaitement informés de tout – des attentes, des possibilités et des contraintes des agents individuels. C’est l’idée de la planification centrale, bienveillante et omnisciente. Elle a évidemment ses limites dans la réalité. Lors de la conférence du 9 novembre 2023, Jean-Luc Gaffard a aussi évoqué une autre forme de planification, « à la française », expérimentée par le Commissariat au Plan pendant la période dite des « trente glorieuses », qui relevait d’une forme de coordination douce des agents à moyens et longs termes en l’absence de marché complet plutôt que d’une véritable planification impérative à la manière soviétique.

Je ne me permettrais pas de lister les exemples de cas où des pouvoirs publics, en France ou ailleurs, aujourd’hui ou par le passé, ont sans doute été dans des domaines qu’ils auraient mieux fait de laisser aux agents individuels dans l’intérêt même des objectifs politiques qu’ils poursuivaient. On en trouve quelques-uns en filigrane au long du livre. Pour une vision assez large du sujet, je recommande la lecture du livre « La gauche, la droite et le marché » de David Spector, livre qui montre la façon dont la gauche et la droite ont pu appréhender le marché depuis 200 ans au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en Allemagne et en France ; la comparaison internationale et historique montre que selon les pays et les époques c’est parfois la gauche ou la droite ou aucun des deux qui soutient le marché ou s’y oppose.

Je ne prendrais qu’un exemple, de moins en moins présent dans notre pays : la durée hebdomadaire légale du travail. En effet, il me paraît clair que les attentes des salariés aussi bien que les situations des entreprises sont d’une variété infinie, telle que ce sujet doit pouvoir être mieux traité à un niveau intermédiaire, celui du paritarisme social, qu’au niveau de l’Etat. A force d’aménagements, c’est d’ailleurs ce qui est fait depuis 25 ans. Accessoirement, je comprends très bien que certaines personnes puissent vouloir travailler vraiment 35 heures plutôt que 39 heures, le loisir faisant partie des attentes « économiques » comme je le souligne au chapitre 27 ; mais, comme en 35 heures de travail, on ne produit que 35 heures de patates, la nation ne peut pas espérer en être rémunérée pour 39 heures de production de patates.
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Béatrice Couairon
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Jeu 16 Nov 2023 - 10:26
Est ce que la hausse du taux d'intérêt renchérit la valeur du temps ? Et joue contre la transition écologique ?

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Béatrice Couairon
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Posez toutes vos questions dans ce forum !  Empty Préférence pour le présent et transition écologique

Jeu 16 Nov 2023 - 10:28
Comment concilier la préférence pour le présent des agents économiques et la transition écologique ?

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Béatrice Couairon
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Posez toutes vos questions dans ce forum !  Empty La prise en compte du temps

Jeu 16 Nov 2023 - 10:30
Comment concilier le temps court de la décision politique et le temps long des transformations économiques ?

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Bensasson Bruno
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Posez toutes vos questions dans ce forum !  Empty Le taux d'intérêt, la valeur du temps et le climat.

Jeu 16 Nov 2023 - 15:18
Béatrice Couairon a écrit:Est ce que la hausse du taux d'intérêt renchérit la valeur du temps ? Et joue contre la transition écologique ?

Il y a une multiplicité de taux d’intérêt, on y reviendra dans le titre 5 "La finance pour amie ?", objet de la conférence de février : taux avec ou sans risque, taux nominal ou réel, taux à court terme ou à long terme, taux en € ou dans une autre devise, taux ex-ante ou taux ex-post effectivement servi défauts compris.

Mais on peut dire sans attendre que « oui, le taux d’intérêt révèle une forme de valeur collective du temps ». Si le taux d’intérêt réel (le taux d’intérêt nominal réduit du taux d’inflation des prix) est de 2%/an, donc d’un cinquantième d’année, cela veut dire, grossièrement, que ce qui compte pour les épargnants ce sont les 50 prochaines années : l’année prochaine compte plus que la 50e mais la 50e reçoit encore autant d'attention que 36% [(1-0,02)50] de la 1ère. Si bien que lorsque le taux d’intérêt augmente cela veut dire que le futur compte moins, que, vu d’aujourd’hui les fruits qui seront récoltés dans la durée au moyen de l’échelle valent moins qui si le taux était plus bas. D’une certaine façon des taux hauts manifestent que les agents sont plus impatients, qu'attendre leur coûte plus.

Dès lors que la transition écologique est une transition du temps long, qu’elle requiert d’investir dès aujourd’hui pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre pour en tirer des bénéfices écologiques de courts, moyens mais aussi longs termes, il y a un rapport entre taux d’intérêt et transition écologique. C’est d’ailleurs un débat qui oppose deux économistes intéressés par le climat, William Nordhaus et Nicholas Stern. Si je partage plutôt les vues de celui-ci, je garde des questions sur le sujet de la valeur sociale du temps : c’est l’un des objets de la 5e question que je pose dans le chapitre de conclusion du livre.

Mais, si les taux d’intérêt montent (soit que le taux d’intérêt naturel monte, soit qu’il n’y ait pas de moyens plus indolores pour maîtriser l’inflation que d’amener la Banque centrale à freiner l’activité, provoquer du chômage, peser sur les salaires et finalement sur les prix) pendant que l’objectif climatique reste inchangé, c’est une autre variable du système économique qui devrait changer.

En effet, le prix du CO2, explicite ou implicite, devrait monter pour soutenir la transition et compenser la hausse des taux d’intérêt. Ainsi la hausse des taux freinera sans doute l’investissement global mais pas l’investissement de transition énergétique ; il y aura une répartition différente de la structure de l’investissement. La construction immobilière, secteur du temps le plus long, est celui qui a des raisons d’être le plus sensible à des taux hauts.


Dernière édition par Bensasson Bruno le Dim 19 Nov 2023 - 9:06, édité 1 fois

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Bensasson Bruno
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Posez toutes vos questions dans ce forum !  Empty Préférence pour le présent et écologie

Jeu 16 Nov 2023 - 15:30
Béatrice Couairon a écrit:Comment concilier la préférence pour le présent des agents économiques et la transition écologique ?

Notons d’abord que les individus ont une « préférence pour le présent », que beaucoup d’entre nous, s’ils doivent choisir entre les deux options, préfèreront sans doute plutôt un voyage dans un an que dans cinquante ans.

Pour autant, cette préférence n’est pas absolue. On reviendra sur l’investissement et l’épargne au chapitre 14, lors de la conférence de février. On verra que les individus tendent à vouloir lisser leurs consommations, ce qui les amène à épargner pour l’avenir : on favorise peut-être la personne qu’on est aujourd’hui mais on ne veut pas sacrifier la personne qu’on sera dans l’avenir, notamment sur nos vieux jours. C’est ainsi qu’un taux d’intérêt réel de 2% valorise autant 3 pommes aujourd’hui que 2 pommes dans 20 ans.

Une autre question est de passer de l’individuel au collectif. Le climat est un bien commun, à la fois international et intergénérationnel. Si on n’attachait de la valeur qu’à la satisfaction personnelle des générations présentes, a fortiori des adultes en âge de voter, on pourrait sans doute viser des objectifs moins ambitieux de lutte contre le dérèglement climatique.

Si on est plus ambitieux et qu'on vise à limiter le dérèglement climatique en 2100 en-deçà de 1,5°C (en référence à l'ère préindustrielle), c’est que le système social, politique, économique, juge qu’il faut tenir compte d’autres intérêts, qu’il faut avoir d’autres finalités, incluant les générations plus jeunes et suivantes et éventuellement le milieu et les autres espèces vivantes.

Dans ce domaine, comme dans celui des retraites ou des dettes publiques, il apparaît une différence entre les préférences individuelles pour le présent, qui sont naturelles, et une forme d’impératif moral d’égalité de traitement entre les générations, qui nous enjoint de ne pas considérer qu’on serait plus importants que nos descendants.

Dans le cas de la lutte contre le dérèglement climatique, il y a plusieurs façons de concilier cette relative préférence pour le présent et l’impératif écologique de long terme, façons qu’on évoque au chapitre 23 sur les externalités, le plus efficace étant souvent de donner une valeur au carbone (sous différentes formes possibles : subventions, taxes, quotas, etc.).

Si on veut aller au-delà du climat, sur d’autres enjeux du temps long, il y a peut-être d’autres choses à faire pour concilier impatience individuelle et équité intergénérationnelle et c’est précisément l’objet de la 5e des questions que je pose dans ma conclusion. Je suis impatient d’avoir une réponse Smile .

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Bensasson Bruno
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Jeu 16 Nov 2023 - 15:37
Béatrice Couairon a écrit:Comment concilier le temps court de la décision politique et le temps long des transformations économiques ?

Question amusante, plus politique qu’économique ! Amusante ou déroutante car il y aurait en effet pas mal de gens pour penser que les institutions politiques seraient au contraire mieux placées que les agents économiques pour gérer le temps long. Il y aurait en effet pas mal de gens pour accuser « les marchés » de ne s’intéresser qu’au court terme, au profit immédiat, les entreprises cotées devant rendre des comptes de leurs résultats tous les trimestres… ce qui ne les empêche aucunement d’investir dans des projets dont la valeur se réalisera sur 5, 10 ou 50 ans.

Il reste vrai que dans les régimes démocratiques, il faut régulièrement reprendre « le la » du suffrage des électeurs. Si bien que, très souvent, les effets visibles d’une décision politique n’interviendront qu’après que celui ou celle qui l’aura prise aura quitté ses fonctions politiques, ce qui peut faire hésiter le décideur à se projeter dans le long terme. Du reste, même dans les régimes moins démocratiques, les pouvoirs peuvent être sensibles à ce que pense l’opinion ou la rue, à court et à long terme. Ce qui nous ramène à l’impatience relative des agents individuels eux-mêmes.

Comme on l’a dit au chapitre 4 et lors de la conférence du 9 novembre, le rapport au temps est au cœur de la question des finalités de l’action économique, pour les agents privés (individus, entreprises) comme pour les pouvoirs publics. Et il serait aussi absurde de ne s’intéresser qu’aux pommes futures (qui seront un jour des pommes présentes) qu’il serait irresponsable de ne valoriser que les pommes présentes. Quand bien même les entreprises rendent des comptes tous les trimestres et le cours boursiers de leurs actions varie tous les jours, cette valeur embarque des anticipations d’activité pour 5, 10 ou 20 ans sinon plus.

Et pour les institutions politiques, je serai prudent et me garderai de généraliser tant il y a des exemples variés selon les pays et les époques. Je noterai juste que ces institutions montrent dans bien des cas qu'elles sont capables de regarder loin et très loin, bien au-delà du cycle électoral, bénéficiant d’une forme d’éternité dont les entreprises sont moins garanties.

C’est en particulier le cas quand elles investissent, tous les jours pour le long terme, dans le capital humain (éducation), matériel (transport) ou social (justice). C’est aussi le cas quand, contre une certaine impatience collective des individus, elles se préoccupent du temps long, de la maîtrise des dettes publiques, de la pérennité du système de retraite ou de la lutte contre le dérèglement climatique, cherchant à éviter la fin du monde sans négliger les fins de mois. Le souci du temps long est mieux partagé qu'on ne le croît ?

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Béatrice Couairon
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Posez toutes vos questions dans ce forum !  Empty Prix en économie

Jeu 16 Nov 2023 - 23:46
Qu'est que qu'un "bon prix" ? Et est ce que les prix jouent bien leur rôle aujourd'hui ?

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Posez toutes vos questions dans ce forum !  Empty Qu'est-ce qu'un bon prix en économie ?

Ven 17 Nov 2023 - 7:48
Béatrice Couairon a écrit:Qu'est que qu'un "bon prix" ? Et est ce que les prix jouent bien leur rôle aujourd'hui ?

Il y a là une question de principe théorique et une question de jugement général sur une situation actuelle. Je commence par la première des deux.

Mais signalons d’abord ce que ce qui compte ce n’est pas tant les prix dans l’absolu que les prix relatifs, le rapport du prix de tel bien au prix de tel autre bien ou le rapport entre le salaire et le prix d’un panier moyen de consommation, rapport qui détermine ce qu’on peut acheter par son travail, le « pouvoir d’achat d’une heure de travail ».

Notons ensuite, comme je le souligne dès le début du chapitre 5 de « L’économie n’est pas qu’une affaire d’argent », qu’il y a au moins deux points de vue sur un prix, un salaire ou un taux d’intérêt : celui de l’acheteur qui le paye et peut le trouver trop haut, et celui du vendeur qui le reçoit et peut le trouver trop bas.

Ceci dit, pour répondre à la première question de Béatrice, je dirais qu’un bon prix ou plutôt un bon système de prix/salaires/taux et même plus largement un bon fonctionnement de l’économie est un fonctionnement qui permet d’atteindre les finalités données, celles dont on a parlé au chapitre 4 « La fin précède les moyens ». A cet égard, les prix, quels qu’ils soient, libres ou administrés, sont d’une part des signaux auxquels les agents vont réagir pour allouer plus ou moins librement et efficacement les ressources (travail et capital) et ainsi produire des biens, d’autre part une façon de répartir les revenus et au final ces biens entre les agents : ils influent sur la répartition du gâteau mais aussi la nature du gâteau (sa taille et ses goûts).

Les prix de marchés libres, qui équilibrent offre et demande, présentent de ce point de vue des caractéristiques utiles, bien que parfois désagréables : ils couvrent en temps normal le coût de production des biens et signalent, le cas échéant, les surcapacités (respectivement les sous-capacités) par des prix plus bas (respectivement plus hauts) que ce coût, invitant à une autre allocation des ressources : à mettre moins de moyens productifs dans un secteur s'il y a surcapacité, à en mettre plus s'il y a sous-capacité.

J'en viens à la seconde question : "Est-ce que les prix jouent bien leur rôle aujourd’hui ?" J’imagine que la question est posée pour la France. Je dirais que « oui sur la plupart des marchés » mais je n’ai évidemment pas une vue exhaustive de tous les marchés. Considérons les quatre grandes défaillances de marché qu’on présente au chapitre 6 et qu'on a discutées lors de la conférence du 9 novembre et voyons les mesures prises pour les pallier qu’on évoque aux chapitres 19 à 25.

Je dirais que les sujets de concurrence du chapitre 22 et les prix qui en résultent sont contrôlés avec attention et exigence en France, peut-être moins dans d’autres pays. Pour ce qui est de la production des biens et services publics du chapitre 9, chacun peut avoir son avis mais ce ne sont pas les prix qui la détermine au principal. Même chose pour ce qui est des inégalités, qu’on évoque au chapitre 25 : la réduction des inégalités primaires ne devrait pas tant passer par les prix que par une meilleure répartition des qualifications, donc par l’éducation et la formation ; la réduction des inégalités secondaires passe par la redistribution, les prestations sociales réelles, qui ne sont que peu influencées par les prix, a fortiori quand elles sont indexées pour augmenter avec les prix à la consommation.

C’est sans doute sur la question des externalités, et notamment des pollutions, qu’on évoque au chapitre 23, qu’on est encore le plus "loin du compte" à mon avis même s’il existe déjà dans notre pays des taxes sur la production de déchets, certains prélèvements d’eau ou certaines émissions de gaz à effet de serre. Ou dans d'autre domaines sur le tabac, les jeux et les alcools forts.

Pour ce qui est du reste de la fiscalité, on en parle au chapitre 24 : elle est bien sûr nécessaire pour financer la production de biens publics et les prestations sociales mais elle perturbe les prix relatifs. La question est donc plutôt de savoir si, à prélèvements donnés, elle est bien conçue pour limiter l’impact de ces perturbations sur l'atteinte des finalités. Je pense qu'il y aurait des progrès à faire comme je le mentionne dans les recommandations de ce chapitre 24. Mais cela reste une question complexe et ouverte, que je pose dans la conclusion du livre, la 7e des 9 questions.

Dans la 9e question de la conclusion je partage aussi mes interrogations sur les rapports entre taux d’intérêt, inflation anticipée et effective des prix, productivité du travail et formation des salaires. Je pense en effet qu'il y a aussi là un gisement de progrès pour réduire le chômage, à la fois le chômage classique (ce qui renvoie à la façon d'indexer les salaires minimums interprofessionnels ou de branche) et le chômage keynésien (quand on ne trouve pas dans le dialogue paritaire des moyens moins douloureux pour maîtriser l'inflation qu'une hausse des taux d'intérêt de la Banque centrale freinant volontairement l'activité et provoquant du chômage).
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